Quand on demande à Sabrina Michée un mot qui pourrait la qualifier, elle répond « exploratrice », avant de préciser : « exploratrice à petite échelle, mais dans tous les sens du terme : les saveurs, le voyage, l’innovation ». Rien d’étonnant, dès lors, au parcours de cette jeune femme de 29 ans qui a quitté son poste de chargée de communication chez Saint-Gobain pour
exercer un métier qui ait du « sens »
. « J’ai fait un burn-out en février 2017. Je suis partie dans la foulée en Inde, au Népal, puis aux Philippines ». Quatre mois pour se ressourcer et élaborer un concept pour lancer sa boîte.
Les pâtes lyophilisées qu’elle avale en randonnée dans l’Himalaya seront sont premier déclic. Une expérience gustative peu convaincante. Le deuxième, le constat de la malnutrition dont souffrent les enfants des rues aux Philippines auprès desquels elle fait du bénévolat. Le troisième, la découverte des drêches, les résidus de céréales issus du brassage de la bière. « Ces co-produits contiennent beaucoup de nutriments et sont encore sous exploités en alimentation humaine. Pour les brasseurs, elles n’ont plus d’utilité et sont une contrainte logistique et financière », explique Sabrina Michée.
Tous les ingrédients sont alors réunis pour élaborer son
concept d’up-cycling
: des nouilles à base de drêches. Le nom de la marque s’impose : Ramen tes drêches.
Deux ans pour finaliser une recette
Si, conformément au mythe de l’entrepreneur, certains créent leur start-up dans un garage, elle le fait dans sa cuisine. « J’ai commencé à chercher une recette qui tienne la route, ce qui est compliqué car les drêches sont très fibreuses. En 2018, j’en ai trouvé une satisfaisante que j’ai fait goûter au public à Paris Beer Week ».
Les retours sont suffisamment positifs pour se lancer mais, au niveau technique, Sabrina Michée a besoin de passer un cran au-dessus. Elle intègre alors Food’Inn Lab, le laboratoire d’AgroParisTech pour élaborer une recette avec une meilleure tenue, une meilleure texture. Fin 2019, la recette est finalisée.
Dans la foulée, l’entrepreneuse dépose ses statuts –
une SASU dont elle est présidente
– et rassemble des fonds pour ouvrir un laboratoire de fabrication. Au total, elle lève 350.000 euros en cumulant prêt d’honneur, prêt bancaire, love money et participation de business Angels.
Le million d’euros pour 2022
En juillet 2020, l’équipe Ramen tes drêches, qui compte quatre personnes au total, part s’installer à Romainville (93) dans 200 m2. Equipé d’un déshydrateur, d’un moulin à farine et d’une machine à pâtes, le laboratoire produit 1,4 tonne de nouilles par mois à partir de 2,4 tonnes de drêches colletées dans les brasseries de Seine-Saint-Denis.
Sabrina Michée est sur la bonne voie : « J’espère me verser un salaire correct à la fin de l’année. Je touche pour le moment 500 euros par mois ». Aujourd’hui, sa marque est commercialisée dans 215 points de vente, notamment dans les réseaux Biocoop et Naturalia. Ramen tes drêches prévoit de réaliser un chiffre d’affaires de 350.000 euros cette année et de dépasser le million d’euros en 2022.
Mais la réussite économique de Ramen tes drêches n’est pas son seul horizon. « Je fais, à chaque étape de la croissance de l’entreprise, des points de contrôle pour vérifier l’adéquation avec mes valeurs et la création de valeur. Je me sens une responsabilité vis-à-vis de mes salariés. Je dois faire en sorte que l’entreprise perdure », conclut Sabrina Michée.